Marqué : Richard III

Richard III – troisième et dernière partie

(Un certain retard dans la publication de ce billet pour cause maladie)

Les quatre dernières présentations du festival ont eu lieu vendredi et samedi dernier, à mon grand regret.

Robert Woosnam-Savage, curateur

Robert Woosnam-Savage, curateur

Robert Woosnam-Savage, curateur des European Edged Weapons aux Royal Armouries, a présenté vendredi un long exposé sur l’analyse des restes découverts à Leicester. Coeurs sensibles s’abstenir: la pièce de résistance était la description des marques de blessures observées sur les os, et leur signification pour un corps humain recouvert de muscle. Avec des termes rassurants comme blessure « en Étoile de la mort » (Death Star wound) et « qui pendouille » (flappy wound; indice: c’était localisé sur sa tête), qui n’étaient pourtant pas les éléments les plus marquants, ce fut une présentation… haute en couleurs.

RIII-philstoneSamedi matin, le président de la Richard III Society, Dr Phil Stone, nous a entretenu plus en détail sur la vie du monarque, en plus d’expliquer les objectifs de l’organisation qui s’avère être internationale. Il aura largement participé à l’avancement des fonds qu’auront nécessité les procédures de fouille pour retrouver la tombe de Richard.

La présentatrice suivante était celle sans qui cette découverte n’aurait peut-être pas vu le jour: Philippa Langley. Scénariste, elle a commencé à s’intéresser au duc de Gloucester pour son caractère controversé. Ses recherches se sont orientées vers la réalité, plutôt que sa réputation filtrée à travers pièce de théâtre et propagande de vainqueurs. L’idée de retrouver sa tombe, perdue à travers les siècles, s’est rapidement faite une place dans sa vie.

De par la recommandation d’un contact, elle fut amenée à visiter un stationnement à Leicester, qui arborait les restes d’un mur datant du 15e siècle. L’espoir de retrouver l’église franciscaine dans laquelle Richard était réputé rester la menait, mais le mur s’avéra peu révélateur. Au moment de repartir, déçue, elle fut attirée vers le stationnement de l’autre côté de la rue, celui du bâtiment des services sociaux. Un sentiment très étrange, au moment de se tenir près du mur ouest, qu’elle rejetterait à son retour et contre le conseil de ses amis. Une seconde visite, quelques mois plus tard, l’amena à retenter l’expérience. Même sentiment au même endroit: elle avait l’impression de se tenir au-dessus de la tombe de Richard. C’est lors de cette visite qu’elle remarqua le hasard d’un « R » inscrit sur l’asphalte, pour indiquer un espace réservé. Probablement une coïncidence, mais qui renforça sa volonté de trouver la réponse.

Philippa Langley sur le site de fouille

Philippa Langley sur le site de fouille

S’ensuivirent plusieurs années de recherche à travers de nombreux documents de l’époque où l’église se tenait encore, et dont les résultats finirent par être corroborés par ceux d’autres chercheurs: la localisation de l’espace occupé par l’église fut établie en consensus, et le stationnement des services sociaux se trouvait, comme par hasard, sur ce terrain. Les fouilles nécessitaient 35 000£ pour aller de l’avant, ce à quoi les informations décevantes reçues d’un radar pénétrant firent obstacles. Avec l’aide de la Richard III Society, de l’Université de Leicester et d’Annette Carson, auteure et historienne éminente, les fonds furent toutefois amassés à temps, et en surplus.

La fouille débuta le 25 août 2012, date anniversaire de l’enterrement de Richard, quelques jours après son décès à la bataille de Bosworth. Au premier jour, les os inférieurs de jambes furent découverts. Les fouilles continuèrent, et d’autres tombes furent découvertes. Les fonds nécessaires à l’exhumation de corps humains, prévus au budget, ne couvraient pas tous les restes. Bien que les corps découverts plus loin lui soit préférés, celui découvert le premier jour de la fouille attirait davantage l’attention de Philippa Langley, qui pu couvrir les frais grâce aux surplus amassés initialement pour le projet.

Il se révéla être Richard III, roi d’Angleterre, à l’endroit même où elle avait eu le sentiment de marcher au-dessus de son tombeau.

Les chances de trouver le monarque étaient d’une fraction de pourcentage. Mme Langley a exprimé très tôt dans sa présentation l’importance que son intuition avait eu dans l’avancement du projet, de par sa volonté d’en savoir le fonds: je me rappelle clairement avoir pensé qu’elle était confiante pour raconter publiquement qu’un sentiment avait mené ses recherches, considérant le domaine conservateur dans lequel elle évoluait. Mais elle avait raison. Sa passion pour le sujet était très visiblement rationnelle, et sa motivation respectueuse: ses recherches avaient toujours eu pour but une nouvelle inhumation, dans le respect qu’elle jugeait était dû à Richard. Cette dernière partie nécessitera une certaine attente, puisque la localisation de cet enterrement est encore sujet de litige légal.

 

Annette Carson, auteure

Annette Carson fur la dernière présentatrice. Écrivaine avec un intérêt de longue date pour le monarque, elle est l’auteure de « Richard III: The Maligned King ». Son exposé portait sur l’examination des sources et des documents ayant forgé la réputation du duc de Gloucester. Son mot d’introduction: « Ne croyez personne sur parole. Pas même moi. Examinez les sources vous-même, et tirez vos conclusions. » Son livre présente d’ailleurs une liste des documents consultés et le localisation, physique ou en ligne.

Considérant le débat présent en court sur qui décidera du sort des os de Richard, la date de l’inhumation reste encore inconnue. J’avais espéré que mon séjour en Angleterre coïncide avec celle-ci, mais l’estimation qui la plaçait en mai serait déjà trop tard. J’aurai au moins eu la chance d’assister à tous ces événements, qui auront été terriblement fascinant et instructifs. Je vivrai le reste à distance…

Richard III, deuxième partie

 

Vendredi dernier, Karen et moi avons assisté à une présentation de Chris Skidmore, politicien et historien ayant déjà publié quelques ouvrages sur les Tudors, Élizabeth I, et très prochainement sur Richard III. Très éloquent, il nous a exposé comment le duc de Gloucester n’avait fort probablement pas visé la couronne avant qu’il n’aie plus vraiment le choix de l’accepter, et comment son entourage a fortement contribué à son accession au trône. Une excellente présentation, qui s’est déroulée dans l’église dominicaine (Blackfriars) de Gloucester.

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Une des deux chartes de Gloucester, 1483

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Détail de l’enluminure

Deux présentations avaient lieu le samedi. La première portait sur la logistique de faire un test d’ADN conclusif à partir des restes retrouvés à Leicester. La paternité étant moins assurée que la maternité, le Dr John Ashdown-Hill (historien, et non pas scientifique au sens biologique du terme) a donc orienté ses recherches vers l’ADN mitochondrial, qui se transmet à travers les lignées féminines. La mère le transmet à tous ses enfants, mais seules ses filles le transmettront à leur propre descendance. Il s’agissait donc de trouver une lignée féminine ininterrompue jusqu’à aujourd’hui. Après environ une année de recherche, à suivre des généalogies sans succès, Joy Ibsen, résidente de l’Ontario, fut identifiée comme descendante de la soeur de Richard III, en 2004. Il n’y avait encore rien à comparer: les os du monarque étaient encore sous la stationnement à Leicester. Elle sera décédée sans avoir su la conclusion des recherches, en 2008. Quatre ans plus tard, son fils Michael est contacté par le Dr Ashdown-Hill, et soumet lui aussi un échantillon d’ADN mitochondrial, hérité de sa mère mais qu’il n’aura pas transmis à ses enfants. La comparaison est faite, et elle concorde.

Des recherches afin de trouver une lignée mâle survivante – aucun des trois frères, Richard III, Georges duc de Clarence ni Édouard IV n’ont laissé de progéniture – partant d’ancêtres de la famille Lancaster sont en cours, avec l’espoir de solidifier encore davantage l’identification des restes retrouvés, bien que celle-ci ne soit plus mise en doute. Son génome sera aussi décortiqué afin de mieux connaître et comprendre sa biologie. Ce sera la première instance d’un individu d’une époque aussi reculée à recevoir ce traitement.

Le second exposé a été présenté par Mathew Morris, archéologue qui fut en charge du site de fouille en août 2012. Le récit était fascinant: après avoir localisé l’église franciscaine (Greyfriars) dans laquelle Richard devait être enterré, ils ont creusés trois tranchées avec plus d’espoir de mieux comprendre la géographie du bâtiment que de trouver le roi. La première tranchée a révélé des ossements humains: selon leurs estimations, la localisation ne concordait toutefois pas à celle assumée pour le corps du monarque, et le fouille continua. Après avoir terminée la troisième, l’esquisse de l’église se dessina plus précisément: les ossements découverts au début étaient bien dans la chorale, là où on espérait y retrouver Richard.

Le squelette délicatement nettoyé, il révéla une courbature très prononcée de la colonne vertébrale, correspondant à la scoliose soulignée du duc de Gloucester. Des marques de blessures sur les os ont aussi été relevées, concordant avec les récits de sa dernière bataille. La datation au carbone permis aussi de situer historiquement la vie et la mort de l’individu, toujours en accord avec celles de Richard.

Lien vers un article de The Guardian, montrant le squelette dans sa tombe ouverte (avis aux coeurs sensibles)

Une analyse de sol révéla qu’il s’en était fallu de peu pour que la découverte ne soit pas faite plus tôt. Ses pieds sont manquants, probablement dû à des excavations à l’époque victorienne: les métatarses auront été confondues avec des débris. D’autres travaux auront frôlé ses genoux à quelques centimètres près, et il est possible qu’un projet ait été modifié au moment où l’arrière de son crâne aura été aperçu par des constructeurs.

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Il y avait maintenant du matériel génétique à explorer, et un visage à reconstruire. Les techniques de laboratoires judiciaires permettent de créer une modélisation 3D d’un visage très précise à partir d’un crâne. À un certain point durant l’exercice, la ressemblance avec les quelques portraits contemporains était telle qu’un doute commença à planer sur l’objectivité du processus, et tout fut revérifié. Mais non: le visage est bel et bien conforme à l’image qui nous a été transmise de l’époque.

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Il reste deux jours à mon stage, qui sera suivi de trois semaines de projet de fin d’études, ou projet synthèse. Ces jours-ci, je passe mes journées dans le magasin #4, à fouiller à travers les copies de documents à élaguer. Je ne terminerai malheureusement pas cette tâche, vu son ampleur: beaucoup nécessiteront des vérifications extensives avant d’être éliminées, et environ une centaine sur plus de 2 000 n’aura été révisée. Le travail aura quand même été amorcé pour ceux qui reprendront le flambeau (figuratif) après moi…

Richard III, première partie

Portrait au 16e siècle – Wikimedia

Mes collègues et enseignants auront déjà entendu mes espoirs – tristement vains – d’assister aux funérailles de Richard III d’Angleterre, dernier roi de la dynastie Plantagenêt, dont les restes ont été découverts en août 2012. Suite à sa mort à la bataille de Bosworth – il fut aussi le dernier roi d’Angleterre à mourir au combat – sa réputation, déjà remise en question en raison de son accession au trône et à la disparition non-résolue de ses deux neveux, fut salie davantage par les Tudors. William Shakespeare solidifia la calomnie en une pièce qui le décrit comme un monstre, tant physiquement qu’émotionnellement.

Certains ont pourtant décidé de chercher la vérité derrière le mythe de Richard, duc de Gloucester, et travaillent durement à restaurer sa réputation. C’est grâce à la collaboration entre la Richard III Society et l’Université de Leicester qu’une excavation archéologique, sous un stationnement automobile, a permis de retrouver la tombe du roi déchu. Couvert à l’ère moderne, cette localisation fut celle de l’église franciscaine de Leicester, où Richard avait été enseveli. En raison de la manière de sa chute et de sa réputation, la tombe aura été oubliée suite à la démolition de l’église.

Les os ont été identifiés de plusieurs manières. Réputé bossu – il souffrait d’un scoliose depuis son adolescence – son squelette portait nécessairement des marqueurs de cette condition. Les blessures reçues à son combat final furent décrites en détail, ce qui apporta un certain poids supplémentaire à l’identification. Une analyse de sol et une autre, dentaire, soutenu la théorie. Le test qui confirma, « hors de tout doute raisonnable », les os comme ceux de Richard III fut la comparaison d’ADN mitochondrial – soit celui passé à travers les lignées féminines. Une descendante avait été localisée en 2004, au Canada, et la comparaison de ce génome à celui des restes présumés confirma la vraisemblance logique de l’identité du défunt.

La tombe dans laquelle il fut retrouvé n’était évidemment pas digne d’un roi d’Angleterre, peu importe la qualité de sa réputation. Des funérailles auront donc lieu en mai, fort probablement à la cathédrale de Leicester, avec tous les honneurs dûs à un souverain. La Plantagenet Alliance milite pour qu’elles aient lieu à York, Richard ayant été le dernier roi yorkiste, mais les chances restent du côté de la ville des Midlands de l’ouest.

TOUT ÇA POUR DIRE, QUE:

Richard III fut duc de Gloucester, et donc évidemment favorable à la ville. Le conseil du compté, en collaboration avec  ses composantes et le conseil municipal, a donc organisé un festival ayant pour thème le souverain, dont une exposition au City Museum de Gloucester qui fut inaugurée le 18 mars dernier.

Parmi les objets exposés, la reconstruction de son visage à l’aide des dimensions et particularités de son crâne.

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Décédé à l’âge de 33 ans

La reproduction est exposée dans présentoir de verre, et disposée à la hauteur qui a été estimée à partir de son squelette. Il n’était pas mentionné dans l’exposition si cette hauteur prenait en compte sa scoliose, qui l’aurait nécessairement courbé.

 

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L’épée présentée à la ville de Gloucester, dont la rumeur veut qu’elle ait été son épée personnelle

Une charte (GBR/I/1/22) a été prêtée par le service d’archives du Gloucestershire – où je fais présentement mon stage. Des panneaux, dont la numérotations permet de suivre le cours de sa vie, sont exposés tout autour de la pièce. Une projection vidéo raconte le processus de reconstruction faciale du monarque.

Comme vous avez pu le deviner, j’y étais. Par contre, en raison de la foule lors de l’inauguration et des présentoirs de verre qui laissent voir les visiteurs de l’autre côté, il était plutôt malaisé de prendre des photos. Une seconde visite sera nécessaire de toute façon, pour mieux apprécier l’exposition. Vous aurez donc droit à davantage d’information et de photos plus tard 🙂

Cet évènement était le premier du festival. Mon amie Karen – archiviste qui m’a introduite à ce domaine, avec qui je travaille pendant ce séjour, et dont la compagnie se révèle toujours être une mine d’or d’information historique – et moi-même avons des billets pour pratiquement tous les autres, d’auteurs et d’experts en histoire, en génétique, en archéologie et en armes pour partager avec le public le travail qui les a menés jusqu’à Richard. L’exposition se termine le 30 mars, et est unique au pays.